Endettez-vous qu'ils disaient...
La ville de Cleveland dans l'Ohio incarne le cauchemar des "subprime"
aux Etats-Unis, avec ses innombrables habitations abandonnées, des quartiers
entiers livrés aux pilleurs et aux marginaux. Pour le maire de la ville
Frank Jackson, qui prévoit qu'au moins 15'000 nouveaux logements seront
encore saisis en 2008, les banques se sont comportées comme des voyous
en ciblant délibérément une classe moyenne précarisée, tout en sachant
parfaitement qu'elle ne pourrait pas rembourser. Il n'hésite pas à comparer
ces pratiques à une forme de "crime organisé".
Pendant plusieurs années, à Cleveland comme ailleurs aux States, des familles
modestes ont été la proie de banques et d'organismes de prêts qui leur ont fait
miroiter quotidiennement par téléphone, par courrier, via de la pub à la TV, le rêve
de devenir propriétaire de leur maison. Jusqu'à ce qu'éclate la bulle immobilière
qui a jeté tant d'Américains hors de chez eux. Les pays européens ne semblen pas
devoir être épargné; les petits propriétaires espagnols, britanniques, fortement
endettés, ont du souci à se faire.
Mais est-ce bien raisonnable de pareillement harcelé des ménagesà faibles revenus
pour les pousser à s'endetter à vie ? C'est que ces pratiques frôlant l'usure sont
terriblement lucratives pour les banques et les organismes financiers. Et font touner
la machine économique à plein régime. Les "endettés" finissent toujours par payer
plusieurs fois la concrétisation de leurs rêves. Ou alors par tout perdre. Mais avant
d'en arriver-là, ils travaillent comme des fous, cumulent plusieurs jobs, pour
parvenir à régler les intérêts de leurs innombrables crédits, essayant ainsi
de garder la tête hors de l'eau.
Une situation qui présente de nombreuses similitudes avec celles de pays dits
"en développement", qui continuent à payer ad aeternam les intérêts de dettes
contractées il y a plusieurs décennies. Les pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique
latine avaient été pris d'assaut par toutes les grandes banques occidentales qui
leur prêtèrent des sommes colossales. Ainsi que par des entreprises qui leur ont
livré d'innombrables "éléphants blancs*" pour satisfaire les rêves de grandeur
de régimes autoritaires.
Le réveil fut brutal. Incapables de rembourser leurs dettes, ces pays furent placés
sous la tutelle du FMI (Fonds Monétaire International) et de la Banque mondiale.
Avec des conséquences désastreuses pour leurs économies pilotées à partir
de Washington par les petits génies de la finance mondialisée.
*Projets coûteux et de prestige lancés sans pertinence économique.
Article rédigé par Catherine Morand, journaliste.
Lu dans Le Matin Dimanche du 24 août 2008.
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